Recueil n° 3 – 2014 73
D’autres personnages s’enserrent dans la composition. À la droite du Christ, le père de l’artiste est représenté,
écrivant (il est en fait écrivain) et levant le doigt dans un geste socratique
*
(
dessin préparatoire
),
tandis qu’à ses côtés apparaît la fille de l’artiste dont le prénom « Kate » est écrit dans un coin. Faisant face à
Marie-Madeleine, se trouve Marie dans une gestuelle d’adoration.
LEONARD PERVIZI associe dans un même élan créateur le
corps
avec le
code
, distillé dans une myriade de
détails enfouis sous l’écran de la matière, que le regard est censé découvrir.
INRI
ne fait pas exception à la règle.
Une sémiologie iconographique, appartenant à l’univers de l’artiste, parcourt le tableau. À titre d’exemple, en
haut, au centre de la croix, se profile un iris incrusté dans le bois. Il s’agit du symbole de la ville de Bruxelles,
faisant référence à la nationalité du peintre. Dans le bas, à gauche, sous Marie-Madeleine, l’esquisse d’un petit
flacon de parfum Chanel n° 5, faisant référence à la luxure de la vie antérieure de la courtisane, apparaît, presque
effacé par la matière. Sur le vêtement blanc de Marie, au niveau du ventre, une autre esquisse, celle d’une
échographie présentant l’ombre d’un fœtus, témoin de la filiation entre Marie et Jésus, se présente au regard
égaré du visiteur. Le Christ est couronné d’une auréole dont la forme rappelle celle de la cellule microscopique, à
l’origine de la vie. En haut, à gauche de la toile, l’inscription latine « Legio omnia vincit » (« La Légion toujours
victorieuse ») contraste avec l’acronyme «
INRI
» (Iesus Nazarenus, Rex Iudaeorum - Jésus le Nazaréen, roi des
Juifs).
Malgré son admiration inconditionnelle pour la peinture de la Renaissance, LEONARD PERVIZI se situe
résolument dans l’art contemporain, à la fois par sa relecture personnelle du
mythe
mais aussi par sa définition
de la
forme
. En quoi s’écarte-t-il définitivement de la Renaissance ? L’art classique se définit par une
représentation iconographique totale, à la fois de la forme, mais aussi de ce qui l’enveloppe : la forme compte
autant que le vêtement. L’art grec considère le corps aussi bien que le drapé qui l’entoure. La sculpture classique
rivalise de génie dans la représentation des plis glissant sur le derme. Les siècles postérieurs à l’art grec n’ont fait
que confirmer cette importance pour la forme. À certains moments de l’Histoire de l’Art, ce sont les plis qui, à
l’extrême limite, rivalisent avec l’anatomie (ex. la conception du drapé dans l’art byzantin).
Bien entendu, la Renaissance a amplifié cette recherche esthétique et les siècles qui l’ont suivie n’ont fait que la
modaliser (ex. le drapé dans l’œuvre de
RUBENS
).