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Recueil n° 5 – 2016 73
De plus, voilà qu’au détour d’un coin, vers le haut à gauche, apparaît un deuxième reflet qui se dérobe au regar
d. Dans cette
œuvre, deux éléments créent le rythme, à savoir le contraste saisissant entre la couleur chaude partant du bas de la toile
,
inondant la femme, et les teintes ternes, attribuées aux reflets. Les teintes chaudes, centrées sur le jaune et le bleu, sont
fortement marquées par la présence de la matière incrustée, par rapport à la pâleur presque cadavérique des reflets, constitués
de vert et de bleu, à peine émoussés au chiffon,
pour rendre la forme évanescente. Ensuite, le rythme s’affirme par le t
raitement
du buste de la femme, plongé dans la chaleur chromatique des teintes chaudes. Il y a une compression rythmique à partir du
buste du personnage, produisant le sentiment d’une légère surélévation entre l’épaule gauche (droite pour le visiteur) et c
elle de
droite (gauche pour le visiteur). Cela constitue un véritable tour de force car,
en réalité, il n’en est rien. Tout en conservant le
s
épaules au même niveau, son bras droit, légèrement avancé par rapport au gauche, amorce une cassure rythmique, à l
’origine
d’un mouvement donnant au buste une légère rotation de trois
-quarts. Le tout étant appuyé par la posture directionnelle du regard
de la femme ainsi que par son visage, légèrement tourné vers sa gauche. Quel discours véhicule cette œuvre
? Les reflets,
derrière la femme, évoquent les souvenirs d’un amour perdu. Le troisième personnage (celui qui s’apprête à
fuir au regard) est en
réalité l’être aimé, personnifié en une créature hybride, se perdant dans la brume de la mémoire. Consciemment ou non, l’
artiste
renoue avec le mythe original, en ce sens qu’une fois emportée de son rocher vers un palais merveilleux, Psyché rencontre un
être mystérieux qui lui promet un amour éternel, à condition qu’elle ne cherche pas à voir son visage. De fait, le visiteur
ne
l’aperçoit pas non plus.
Dans le mythe, le personnage mystérieux est hideux. Sur la toile, il est hybride ou, pour mieux dire, hermaphrodite, car son dos
masculin est couvert d’une longue chevelure féminine. Il n’y a plus d’approche charnelle entre Psy
ché et Amour mais bien un
rapport basé sur la mémoire, elle-même à la base de toute construction mythologique. Le personnage de Psyché, tout en
demeurant mythique, échappe au récit classique en s’auto
-psychanalysant : elle se retourne sur un passé qui fut le sien et ne
cesse de fuir. D’où sa participation à la tragédie contemporaine. Dans le bas à droite, un détail se laisse percevoir
: la présence
d’une page d’un livre. Ce détail est un rappel à la mémoire active qui raconte le mythe de Psyché sur son roch
er.
L’artiste a voulu,
en partant du bas, effectuer un passage partant de la matière symbolisant la terre (la solidité, la stabilité), pour rejoindre, vers le
haut, le domaine du lisse, de la douceur du souvenir à jamais enfoui. Cette quête de la douceur révèle, néanmoins, une tentative
d’espoir dans le traitement plastique du récit, ce qui nous renvoie à l’interprétation néoplatonicienne du mythe, à savoir un
message d’espérance.
L’HEURE BLEUE
(97 x 130 cm - acrylique sur toile),
Il y a comme une trans
ition stylistique dans l’œuvre de l’artiste, en ce sens qu’à partir d’un même style
émerge une deuxième
écriture.
Une écriture faite de réminiscences rappelant les « collages » des années 20. En effet, des extensions en papier apportent à la
composition une esthétique qui déroute le visiteur.