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Recueil n° 3 – 2014 36
William Kayo : les personnages sont en habits traditionnels – utilisation de la lumière (vive et chaleureuse) par
rapport à celle de
MAGRITTE
(relativement tiède ou objet d’analyse psycho-chromatique : cfr.
L’EMPIRE DES
LUMIÈRES
(1953-54).
Il s’agit, chez l’artiste, d’une conception plastique de l’onirique qui envisage
le rêve que pour
ce qu’il est
. Non
pas d’une arme contre un système d’idées. Il est vrai que si la symbiose entre
Surréalisme
et
Art africain
interpelle à plus d’un titre, c’est parce qu’elle exprime cette volonté de rapprochement interculturel, désormais
ancrée dans le siècle. Une démarche que l’artiste qualifie de
Modernité
: un brassage des meilleures influences
culturelles venues de l’extérieur, enrichissant le substrat culturel vernaculaire.
Quiconque connaît un tant soit peu les arts traditionnels de l’Afrique noire, ne peut séparer les productions
artistiques d’avec leurs composantes magico-religieuses. C'est-à-dire, les réalisations plastiques, d’une haute
perfection technique du monde fabuleux des esprits ayant souvent revêtu le statut d’Ancêtres. Un monde tel que
celui-là peut aisément se passer de «
Surréalisme
» car ses racines baignent dans une spiritualité immémoriale.
Un monde dans lequel l’Homme, passant de classe d’âge en classe d’âge, se fond dans une conception de
l’Histoire tendant vers l’Humanisme comme finalité. L’Humanisme africain !
WILLIAM KAYO assure ce rapprochement interculturel en le considérant comme un « engagement » qu’il fait
vivre pleinement au visiteur, en interpellant ses interrogations propres sur le Monde. Les messages
culturels
qu’il
met en exergue sont exprimés de façon subtilement
politique
.
Nous le constatons dans
JOUEUSES DE NGONI
(déjà mentionné). Le « ngoni » est un instrument à deux
cordes, typique de la région de l’artiste.
Jadis, il était joué exclusivement par les femmes. Désormais, ce sont les hommes qui se le sont approprié et
voient d’un très mauvais œil les femmes qui le pratiquent.
Précisons, néanmoins, que si les hommes l’ont adopté, c’est essentiellement en tant qu’« arme » pour exprimer
un message de paix. La sœur cadette de l’artiste joue d’ailleurs de cet instrument, de façon professionnelle, en
dépit de l’interdiction dictée par les hommes.
L’artiste qui a réalisé ses études artistiques à l’
IFA
(
INSTITUT DE FORMATION ARTISTIQUE
de Mbalmayo, au
Cameroun), ne s’abandonne jamais à une surcharge de matière pour attaquer la toile. Tout « excès » existant se
justifie dans sa fonction créatrice : conception du volume pour les tissus (cfr.
TOTEMS
), structures portantes pour
chaque cadre (cfr.
JUST FOR DREAM
).
Il retravaille toujours ses tableaux à la sciure de bois et n’hésite jamais à utiliser des éléments extérieurs tels que
le papier ou divers accessoires en fer, interagissant avec la perception immédiate du visiteur.
Bien que jeune, il totalise déjà vingt-six ans de travail et nous avoue qu’il n’aurait jamais pensé trouver dans la
peinture l’objet de sa vocation.
Lorsqu’on lui demande ce qu’il espère de l’Art africain contemporain, il axe ses espoirs sur une amélioration
concernant les structures existantes permettant d’élargir les possibilités d’accès au Marché de l’Art pour les
artistes africains qui se battent face à ce qu’il qualifie de « chasse gardée ».
WILLIAM KAYO se bat avec son Art pour permettre au Monde d’accéder à la classe d’âge du dépassement.
Arts
Lettres